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Canal de Lalinde

Pour faciliter la navigation sur la Dordogne, le canal de Lalinde fut creusé entre Mauzac et Tuilières. Tout le long : écluses, bassins, aqueducs, maisons d'éclusiers furent construits.

Telle la Belle au Bois dormant, le canal se réveille après un long sommeil. 

 

L'histoire du canal de Lalinde par Régine Simonet

 

Créé par les hommes pour contourner un obstacle de la nature, il était voué à servir la batellerie. Vaincue par le chemin de fer et la route, celle-ci finit par disparaître.
Le canal, lui, est resté à l’ombre de ses platanes. Envahi par les roseaux, il se fond dans le paysage. C’est un témoin précieux de l’époque encore récente où la Dordogne vivait au rythme de ses bateaux.


En 1850, n’assuraient-ils pas encore plus de 60 % du trafic marchandises entre Bergerac et Libourne ? Cela s’explique par la déficience historique du réseau routier et l’importance du vignoble dans la région : qui pouvait, mieux que la Dordogne orientée d’Est en Ouest, convoyer le bois à futaille du haut pays jusqu’à Bergerac, et de là conduire les tonneaux pleins jusqu’au port de Bordeaux ?

 

Mais la navigation n’y était pas si simple. Oublions ici les 80 km de son cours supérieur où, d’Argentat à Souillac, la descente en période de crue à bateau perdu était une périlleuse aventure. 

 

Dans notre canton, de nombreux obstacles entravaient la navigation : variations saisonnières du débit, seuils rocheux et gravières, courants violents... 
Trois rapides meurtriers verrouillaient le port de Lalinde. Le Grand Thoré en amont, les Pesqueyroux et la Gratusse en aval étaient si redoutés des marins que les pouvoirs publics décidèrent après mûre réflexion de creuser un canal de Mauzac à Tuilières pour les éviter. Long de 15 km, il coûta 2 millions du franc de l’époque.

Le chemin qui chemine


Décidés en 1838, les travaux furent achevés en 1843. Pour alimenter la prise d’eau du canal, on avait construit à Mauzac un barrage sur la Dordogne, ce qui eut pour effet de modifier considérablement l’aspect du village. Le vaste plan d’eau bordé de quais accueillait désormais les «couraux» en attente devant l’écluse d’entrée amont.

 

Elles sont 9 en tout qui permettent de rattraper les 24 mètres de dénivellation entre l’amont et l’aval, à Mauzac, Lalinde, la Borie Basse, et le magnifique escalier de six écluses avec bassin de croisement, véritable œuvre d’art, en bas duquel le canal rejoint le fleuve à Tuilières. Il se termine en apothéose. 


Rationnels, équipés de quais en pierre, les bassins portuaires qui jalonnent son cours ont eux aussi transformé les habitudes et l’aspect des localités où ils sont situés : celui de Lalinde entraîna l’abandon du port de la Guillou sur la Dordogne et mit au chômage les pilotes de la Gratusse. 


Quant au vieux village batelier de Saint-Capraise installé au bord du fleuve, il dut faire demi tour vers le canal ! Coupé en deux, on le dota d’un pont canal pour relier les deux parties et d’un bassin de radoub où on pouvait construire et réparer le fond des bateaux au sec. Aménagé en face du bourg papetier, le bassin de Port-de-Couze devint rapidement l’entrepôt des marchandises venues de la rive gauche.

 

Bref, le canal répondait à de vrais besoins et il fut très fréquenté dès son ouverture : 29.750 tonneaux de marchandises y passèrent en 1852, 46.000 en 1858. 
La création, en aval, du barrage de Salvette en 1854, destiné à régulariser le mouillage du port de Bergerac, améliora encore le trafic qui atteignit près de 200.000 tonneaux en 1860.

 

Imaginons le va et vient incessant des bateaux sur la canal : descendu du haut pays limousin, «argentats» et «couraux» chargés à ras bord de bois merrain destiné à la futaille, de carassones à palisser la vigne, de minerai de fer et de charbon de bois, mais aussi de fûts de tanin et de pâte à papier, de châtaignes et d’huile de noix. Remontant le courant, «courpets» et «couraux» plus légèrement lestés du sel de l’Atlantique et des produits coloniaux, sucre, café, épices, morues salées...

Le déclin


Mais les temps changent. Pour s’adapter au rythme de la révolution industrielle en marche, il fallait faire plus et plus vite. On ne naviguait pas plus de 150 jours par an sur la Dordogne, et à vitesse réduite.

 

Henri Gonthier, un des derniers patrons de bateaux, raconte qu’il ne pouvait pas effectuer plus d’un aller retour par mois de Port-de-Couze à Bordeaux avant d’avoir motorisé son bateau. Cinq allers retours par an avec environ 80 tonneaux de charge ! Les bateliers, attachés à leur métier, ont tout tenté pour se moderniser. Mais la lutte était inégale, les crédits allaient au chemin de fer ponctuel et rapide, au transport routier plus souple. Port déserté, bateliers au chômage, en 1926 le canal de Lalinde fut définitivement déclassé.


Mais le canal revit


En septembre 1996, l’ensemble du canal fut inscrit à l’inventaire des Monuments Historiques. La plupart des ouvrages qui le jalonnent sont ou seront remis en état, exception faite de trois ponts : celui de l’EDF, le «pont levant» entre Saint-Capraise et Tuilière, et celui de Port-de-Couze. 
C’est à cet endroit que le canal fut busé en 1964, et aucun bateau ne peut plus désormais y passer.

L’avenir passera par la navigation de plaisance, soit sous forme de promenades en gabare, soit en louant à la semaine un bateau habitable à fond plat. Alors peut-être reverrons-nous bientôt des bateaux sur le canal de Lalinde, avec leur équipage de touristes embarqués à Bergerac pour monter jusqu’à Limeuil.